L’attachement insécure peut être une conséquence – trop ignorée – de l’eczéma atopique chronique.
C’est ce que de nombreux travaux sur la dermatite atopique tendent à démontrer. L’eczéma atopique chronique a des conséquences psychologiques sérieuses et graves.
Cette thématique est probablement l’une des moins connue et, de ce fait, les moins bien prises en charge… Au détriment des personnes atteintes de dermatite atopique, maladie de peau qui explose depuis cinquante ans dans les milieux urbains des pays riches principalement.
Pour comprendre le lien entre attachement insécure et cette pathologie inflammatoire de la peau, je poursuis mon explication (avec profondeur et simplicité, défi!) sur les liens entre l’eczéma et la sphère psycho-affective. Et notamment le type de structure d’attachement, prisme très éclairant pour comprendre les problématiques relationnelles, largement utilisé en psychothérapie.
Cet article qui me tient fort à coeur, vous permettra je l’espère :
- D’y voir plus clair dans le lien entre sphère psychoaffective et eczéma,
- De comprendre en quoi l’eczéma peut être une cause d’attachement insécure,
- De constater que les situations relationnelles basées sur cette structure d’attachement insécure peuvent exacerber l’eczéma, selon un cercle vicieux
Stress ou anxiété chronique, symptômes de la dermatite atopique et conséquences de troubles de l’attachement
On parle parfois à tort d’ « eczéma nerveux » . A tort, car plusieurs travaux récents semblent montrer que s’il peut entretenir un terrain inflammatoire ou déclencher des poussées d’eczéma, le stress est aussi, et de façon tout aussi importante, une conséquence ou un symptôme de la dermatite atopique. L’eczéma, et notamment l’eczéma chronique vécu depuis l’enfance, génère en lui-même stress et anxiété chronique.
La dermatite atopique semble être une cause récurrente des troubles de l’attachement de type « insécure ».
Caractéristique importante, ces troubles n’apparaîtraient pas comme tels dans la petite enfance. Ce type de structure d’attachement apparaîtrait ainsi graduellement au cours de la vie des personnes dont l’eczéma atopique ne guérit pas à l’âge adulte. On parle pour ces personnes -100 000 personnes dans les radars, sachant que de nombreuses personnes ne sont pas dans les registres, du fait de la banalisation problématique de cette pathologie – de dermatite atopique sévère de l’adulte.
Or, une fois que ces troubles de l’attachement se développent, dans la durée de la maladie, un cercle vicieux semble se mettre en place. Le stress spécifiquement relationnel, devient aussi un facteur déclencheur des crises d’eczéma. Ainsi, une situation humaine qui met en jeu l’attachement : déménagement, rupture, début d’une nouvelle relation, décès, divorce, naissance, est un déclencheur typique d’une crise d’eczéma atopique.
Eczéma psychosomatique : est-ce que ça existe vraiment?
« La dermatite atopique n’est pas une maladie psychosomatique« . Voilà le verdict posé par Mag Da, la dermatologue qui communique le mieux, je trouve, sur l’eczéma atopique.
Est-ce vraiment si simple? Oui et non!
Oui, car cela permet de se déculpabiliser : ce n’est la faute de personne, ni de vous, personne atteinte, ni de vous, père ou mère d’un enfant atteint! Alors on se détend, on n’est pas responsable de sa dermatite atopique, qui est, je le rappelle encore une fois, un défaut de structure de la peau.
Non, car cela nécessite d’en parler beaucoup plus. Les aspects psychologique et psychoaffectif de l’eczéma exigent qu’on en parle beaucoup (plus). Et qu’on accompagne mieux les personnes atteintes d’eczéma (et leurs caregivers s’il s’agit d’enfants – rappelons que 20% des enfants sont touchés en France aujourd’hui).
Alors, on en parle!
Qu’est-ce qu’une maladie psychosomatique?
Les maladies psychosomatiques présentent des symptômes d’ordre physique dont l’origine est au moins en partie liée à l’état psychique. Elles apparaissent donc comme l’expression corporelle de tensions psychologiques. Comme disait Freud “le psychique fait alors un saut dans l’organique”.
Définition entérinée par Maria Hejnar, Dr en psychologie
Et bien on a ici le même mécanisme que pour le lien entre stress et eczéma. La dermatite atopique n’est pas une maladie psychosomatique puisqu’il n’y a pas de cause psychique, psychoaffective déclencheuse d’eczéma.
C’est en fait tout l’inverse! C’est l’eczéma qui déclenche des effets néfastes sur le plan psychoaffectif et relationnel, Ceux-ci commenceraient dès la toute-petite enfance, avec une image dégradée de soi. Puis plus tardivement, la structure d’attachement serait elle aussi impactée on va le voir.
>>>Je proposais, dans mon article précédent, d’arrêter d’utiliser le terme culpabilisant (en plus d’être erroné…) d’eczéma nerveux, au profit de « stress atopique » , pour réhabiliter le stress comme symtôme de la dermatite atopique (et non comme cause!).
De même je trouve important de requalifier beaucoup plus systématiquement les dermatites atopiques chroniques en maladies à fort retentissement psychique et psychologique.
La dermatite atopique, de « maladie psychosomatique » à « maladie somatopsychique »
On peut retenir que l’eczéma atopique chronique engendre des effets négatifs sur la construction psychique et sur le paysage psycho-affectif des personnes atteintes. Des effets inévitables, visibles et impactants et difficiles à vivre pour les personnes touchées et leur entourage. L’eczéma atopique est très « affichant », notamment lorsqu’il affecte le visage. Comme le signale Thierry Sage, dans sa thèse en psychopathologie :
le retentissement ultérieur de la dermatite atopique chez l‟adulte est important, avec augmentation d’une insécurité préoccupée en termes de représentations d’attachement, une augmentation des scores de toutes les dimensions psychopathologiques mesurées et une rechercheanxieuse de soutien à l’extérieur
Structure d’attachement dans la dermatite atopique, Thierry Sage, Dr en psychopathologie
Prendre en charge les impacts psychiques et psychologiques de l’eczéma : une urgence!
Les difficultés psychologiques comme conséquence de la maladie est un aspect de l’eczéma qui semble commencer à être pris en charge, notamment chez les pédiatres. En témoigne ce récent article sur la prise en charge pédiatrique de la Dermatite Atopique (DA) par deux médecins en hôpital public (Centre Hospitalier Lyon Sud).
« La prise en charge psychologique est nécessaire dès que se lit la tristesse dans l’attitude de l’enfant ou le regard maternel. La sonnette d’alarme est, dans notre expérience, l’insomnie qui gagne la famille, l’aggravation des lésions d’une consultation à l’autre signant « un ras le bol » dans le quotidien thérapeutique. Rejetant la maladie, le couple [parental] peut inconsciemment rejeter son porteur. L’affection devient somato-psychique (plutôt que l’inverse). La prise en charge concernera et l’enfant et les parents »
Dr Jacques Robert et Jean-François Nicolas CH Lyon-Sud
Attachement insécure et eczéma atopique
Qu’est-ce que l’attachement insécure?
Définitions de stypes d’attachement chez l’adulte
L’attachement sécure :
– Les adultes sécures tendent à adopter une vision positive d’eux-mêmes, de leurs partenaires et des relations qu’ils nouent. Ils se sentent à l’aise dans l’intimité comme dans l’indépendance, équilibrant les deux.
L’attachement insécure, 3 types :
– Les adultes anxieux-soucieux recherchent un haut niveau d’intimité, d’approbation et de réponse à leurs initiatives (responsiveness) de la part de leurs partenaires, se montrant excessivement dépendants. Ils ont tendance à être moins confiants, à adopter une vision moins positive d’eux-mêmes et de leurs partenaires, et sont aussi susceptibles de montrer au sein de leurs relations un haut degré d’expression de leurs sentiments, de souci et d’impulsivité.
– Les adultes distants-évitants recherchent un haut niveau d’indépendance, et semblent souvent éviter totalement l’attachement. Ils se perçoivent eux-mêmes comme auto-suffisants, non susceptibles de subir les sentiments d’attachement et n’ayant pas besoin de relations proches. Ils tendent à faire taire leurs sentiments, gérant le risque de rejet en gardant eux-mêmes à distance leurs partenaires, dont ils ont bien souvent une assez pauvre opinion.
– Les adultes craintifs-évitants éprouvent des sentiments partagés au sujet des relations proches, désirant et à la fois se sentant mal à l’aise avec la proximité émotionnelle. Ils ont tendance à se méfier de leurs partenaires et se considèrent eux-mêmes indignes d’affection (unworthy). De la même façon que les adultes distants-évitants, les adultes craintifs-évitants tendent à fuir l’intimité, réprimant leurs sentiments.
Types d’attachement chez l’adulte, tirés de l’article sur la Théorie de l’Attachement de la plus célèbre encyclopédie contributive en ligne
Attachement insécure et eczéma de l’adulte sont liés
Pour Thierry Sage, l’eczéma chronique est corrélé à un mode d’attachement insécure. Pourquoi?
Un phénomène d’interaction entre le système d’attachement et le système adaptatif au stress, à dépendance développementale commune sur certains aspects, est évoqué.
La dermato Magalie Bourrel Bouttaz (encore elle!), expose, au travers de ce poignant témoignage, le besoin exacerbé de sécurité de la part des patients atteints de dermatite atopique. Je cite :
Le câlin, la caresse participent au niveau du système limbique ( zone du cerveau qui gère les émotions ) à la création d’un sentiment de sécurité. Si la peau brûle, elle n’assure pas ce rôle de sécurité. ( ceci est mon hypothèse, ce n’est pas une certitude).
Ce manque de stimulation du système limbique, le centre de la gestion des émotions, sera d’autant plus important que l’eczéma sera permanent au quotidien.
« L’Eczéma et les moments de séparation », Mag Da
Le cercle vicieux Eczéma – Stress – Attachement Insécure
Pour synthétiser, on a donc une chaîne de conséquences finalement très logiques entre Eczéma Chronique – Anxiété – Attachement Insécure, qui peut se lire comme un cercle vicieux :
Eczéma atopique chronique
//
Peau qui n’est plus une « frontière » protectrice entre soi et le monde & inflammation chronique qui inonde le cerveau de messages de stress
//
Anxiété, stress symptômatiques
//
Impact négatif sur le système d’attachement, qui peut devenir de + en + insécure
//
Récurrence de pics d’eczéma déclenchés par des épisodes relationnels faisant écho au système d’attachement insécure de la personne touchée (notamment peur inadaptée / pathologique de la séparation, mais aussi du rejet, de l’abandon, etc)
Les prochains articles traiteront :
- de mes conseils et pistes pour prendre en charge au mieux la dermatite atopique, dont vous savez désormais qu’elle a deux impacts majeurs : l’eczéma bien sûr, mais aussi des troubles anxieux, en particulier dans la sphère relationnelle
- de l’eczéma dans une perspective plus symbolique, poursuivant notre exploration des liens entre eczéma et sphère psycho-affective
J’espère que cette série vous :
- permettra de revisiter votre histoire intime avec l’eczéma depuis votre naissance
- offrira de nouvelles pistes pour luttre contre l’anxiété
- aidera dans vos relations dans toutes les sphères de votre vie!
Eric pr cet article très complet ! Tte maladie de la peau devient un stress pr la personne , l’eczéma en fait partie malheureusement !
J’ai répondu un peu plus bas, merci Cherazade 🙂
Mon mari s’est couvert d’eczéma suite à un diagnostic difficile à digérer pour notre aîné. Et effectivement, c’est cet eczéma qui l’a rendu dingo (et qui ne le serait pas à se gratter 40 fois par jour !) plus que le quotidien et les épreuves qui ont suivi. Il a mis des mois à s’en remettre, et ça récidive encore parfois. Je vais approfondir ce lien que tu as si clairement mis en évidence. Merci !
J’ai répondu un peu plus bas, merci ! 🙂
Merci Cherazade pour ta lecture! Tu as raison de préciser que ce qui vaut pour l’eczéma est aussi, malheureusement, le lot de beaucoup d’autres pathologies cutanées chroniques et dermatites : l’acné inflammatoire, le psoriasis, le lichen, l’érythrodermie, etc etc…
Oui Hélène, l’eczéma… prend la tête, c’est rien de le dire! Intéressant votre témoignage : la crise d’eczéma est en effet très très souvent le fruit de déclencheurs relationnels. Ici, un diagnostic compliqué pour votre fils… qui se traduit par un eczéma du père! La situation de votre fils a sans doute fait écho à une problématique d’ « attachement » spécifique de votre mari, le renvoyant à sa propre histoire! La psychopathologie est vraiment importante en ce qui concerne la peau, car pragmatiquement et symboliquement, la peau est un organe membrane, frontière entre le « moi » et le monde, et donc exprime beaucoup d’enjeux relationnels 🙂 ça donne des pistes d’introspection!
Merci pour cette article complet, qui permet de voir plus clair sans se culpabiliser.
Merci Lidie pour ton retour ! Oui, le problème de bien des maladies chroniques, notamment celles qui sont mal prises en charge car considérées comme « pas si grave après tout » … « La peau, c’est superficiel t’sais »… C’est la culpabilité des personnes atteintes:. Culpabilité d’être responsable des épisodes de crise, culpabilité d’en parler à un entourage qui minimise souvent les effets de la dermatite atopique.
Je pense que ça vaut pour de nombreuses autres pathologies chroniques prises en charge de façon incomplète, incohérente, erratique, sans approche et soutien holistique !
Passionnant cet article très documenté, merci ! J’ai hâte de lire la suite. Y a t-il un lien entre eczéma et alimentation ? Je suis très souvent confrontée aux problèmes d’eczema (en temps que kiné et ostéopathe) et cette pathologie m’interpelle de par la souffrance qu’elle cause chez les patients atteints.
Bonjour Muriel ! Ravie que tu puisses en savoir plus sur cette pathologie, tous les métiers autour du mieux être et de la santé sont selon moi pertinent pour prendre mieux en charge la dermatite atopique. Ma série d’articles précédente porte justement sur le lien entre alimentation et eczéma, j’ai écrit 5 articles à ce sujet, qui expliquent les liens entre intestin et peau (et donc pourquoi ce qu’on mange et notre vitalité intestinale impacte la qualité de notre peau, surtout quand elle est atopique et donc « mal cimentée »), et font un zoom sur les 4 suspects alimentaires classiques que sont : les produits laitiers (PLV pour les tout petits puis lactose chez les adultes), le gluten industriel, les excès de sel et de sucre qui ont un impact direct sur l’inflammation.
Je mets le lien de l’article qui concerne le gluten ici pour info : https://whouman.com/eczema-alimentaire-gluten/
Merci encore pour ta lecture, hâte d’aller découvrir ton blog dont je connais le nom mais pas encore le contenu 🙂 à très vite
Eczéma peut aussi avoir une origine digestive (microbiote, paroi intestinale hyperpermeable..mais tout est lié…)
Oui complètement, j’ai tout une série d’articles sur la digestion et les liens peau intestin qui commence à cet article https://whouman.com/comprendre-eczema-inflammation/
Effectivement, prendre en charge une maladie inflammatoire chronique implique d’adopter une vision « un peu » globale ! 😉
Merci pour ce bel article qui m’a fortement intéressé … je reconnais parfaitement le lien entre eczema et anxiété … je l’ai toujours soupçonné et cet article a permis d’éclairer ma lanterne … Cela me fait penser que finalement une piste serait un alignement énergétique intérieur que j’aime faire par un travail introspectif et méditatif … Merci Virginie 🙏
Merci Éric pour ton regard ! Tout a fait, l’eczéma doit être pris en compte et en charge dans des différentes dimensions, et en cela, travailler sur un coaching comme tu le pratiques pour mettre tout cela en conscience et en résonnance énergétique, peut être très aidant ! Merci pour ta lecture 🙂